Pourquoi une allocation pour l’accompagnement en fin de vie ?

L’Allocation Journalière d’Accompagnement d’une Personne en Fin de Vie est créée en 2011 (loi n° 2010-209 du 2 mars 2010 et décret du 17 janvier 2011). Sa vocation est simple : permettre à toute personne qui choisit de suspendre ou réduire son activité pour soutenir un proche en toute fin de vie de ne pas subir une précarisation supplémentaire (Légifrance).

Concrètement, elle indemnise les proches aidants, parents, conjoints, amis ou voisins engagés dans cet accompagnement ultimes, parfois pour quelques jours, parfois un peu plus.

Qui y a droit ? Critères d’éligibilité à l’AJAP

  • La personne accompagnée doit :
    • Bénéficier de soins palliatifs à domicile, ou en établissement (maison de retraite, EHPAD, établissement de santé, etc.)
    • Être en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable (certifiée par un médecin)
  • La personne qui accompagne doit :
    • Être salarié(e), fonctionnaire, travailleur indépendant, demandeur d’emploi indemnisé, ou dans une situation assimilée
    • Interrompre son activité professionnelle ou bénéficier d’un temps partiel, dans le cadre du congé de solidarité familiale
    • Ne pas dépasser, pour l’ensemble des demandeurs dans un même foyer, le plafond de 21 jours d’indemnisation (42 jours en cas de temps partiel)

Le congé de solidarité familiale a donc un cadre bien précis : il peut être pris par un membre de la famille (ascendant, descendant, frère, sœur, personne partageant le même domicile), mais aussi par toute personne « qui entretient avec le malade des liens étroits et stables ».

Montant et durée de l’allocation

Le montant au 1er janvier 2024 est fixé à 61,58 euros par jour (Service-public.fr). Ce montant est revalorisé chaque année. L’indemnisation :

  • est versée par jour d’accompagnement effectif
  • peut concerner jusqu’à 21 jours maximum par bénéficiaire
  • peut être partagée entre plusieurs accompagnants (le total pour le patient ne peut toutefois pas excéder 21 jours)
  • est versée par la sécurité sociale (CPAM), la Mutualité Sociale Agricole (MSA) ou la Caisse des Français de l’Étranger (CFE) selon le régime d’affiliation de l’aidant

À temps partiel, le nombre de jours indemnisables peut être doublé (jusqu’à 42 jours au total, répartis entre tous les accompagnants potentiels du proche).

L'allocation n'est pas soumise à l'impôt sur le revenu, mais elle reste prise en compte dans le calcul de certaines prestations sociales (RSA, prime d'activité...).

Démarches et étapes de la demande

La procédure peut paraître complexe, mais elle est balisée. Voici les grandes étapes :

  1. Faire reconnaître la situation de fin de vie
    • Un médecin (généraliste ou hospitalier) doit délivrer un certificat attestant que la personne accompagnée est en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, et qu’elle reçoit des soins palliatifs.
    • Ce certificat est joint à la demande de congé et/ou à celle d’allocation.
  2. Obtenir un congé de solidarité familiale
    • Si vous êtes salarié : informer l’employeur par lettre recommandée ou remise en main propre (préavis de 15 jours maximum), joindre le certificat médical.
    • Le congé peut être fractionné, ou transformé en poursuite d’activité à temps partiel.
  3. Remplir le formulaire de demande d’allocation
    • Formulaire cerfa n°14555*01 (téléchargeable sur ameli.fr ou au guichet de la CPAM, MSA...)
    • Joindre le certificat médical et l’attestation d’employeur, ou, pour les inactifs/indépendants/demandeurs d’emploi, un justificatif de situation.
    • Envoyer l’ensemble à la caisse dont dépend l’accompagnant (pas celle du proche malade si elles sont différentes).
  4. Suivi et versement
    • Le versement est effectué à terme échu (après le mois d’accompagnement), sur justificatif (attestation sur l’honneur des jours d’accompagnement).
    • La demande doit être faite dans un délai maximum de 6 mois après la prise du congé, sinon elle peut être refusée.

En 2022, selon l’Assurance Maladie (ameli.fr), environ 6 100 personnes ont bénéficié de l’AJAP. Ce chiffre reste bien en deçà du nombre réel de situations, soulignant la nécessité d’information sur ce dispositif.

Cas particuliers et informations pratiques

  • Demandeurs d’emploi : Peuvent percevoir l’AJAP, mais le cumul avec l’indemnisation chômage est impossible. Informer Pôle Emploi de la suspension du contrat de travail/droits à indemnisation.
  • Travailleurs indépendants : Démarches identiques, pièces à fournir adaptées (bilan, attestation sur l’honneur…).
  • Fonctionnaires : S’adresser à leur employeur public, qui peut avoir un formulaire interne. Attention, le dispositif ne vaut pas pour l’ensemble des agents sous statuts particuliers, vérifier l’éligibilité au cas par cas.
  • Multi-accompagnants : L’allocation peut se répartir entre plusieurs proches, attention à ce que le total versé ne dépasse pas le plafond légal.
  • RESF (rétroactivité) : La demande peut être rétroactive jusqu’à 6 mois maximum, mais pas au-delà.

À noter : le dispositif n’est pas soumis à condition de ressources, mais un accompagnant déjà indemnisé dans un autre cadre (ex. : congés maladie rémunérés, invalidité, etc.) ne peut pas cumuler l’AJAP avec ces revenus.

Ressources et structures d’aide en Île-de-France

L’accès à l’AJAP est facilité par l’accompagnement de certains interlocuteurs et structures compétentes :

  • Assistants de service social hospitaliers : Présents dans tous les centres de soins palliatifs et services d’oncologie, ils accompagnent la constitution des dossiers et la navigation administrative.
  • Maisons départementales des solidarités (MDS) : Relais utiles pour obtenir des formulaires, de l’aide à la prise de rendez-vous, ou connaître les éventuelles aides spécifiques au territoire (mobilité, soutien psychologique, etc.)
  • Associations d’accompagnement de la fin de vie :
    • ASP Fondatrice : propose un soutien psychologique, une écoute et des informations sur les démarches (www.aspfondatrice.org)
    • JALMALV Paris Île-de-France : orientations, groupes de parole, ateliers pour aidants (www.jalmalv-idf.fr)
    • Hospimob (aquitainehospice.org) : informations et médiation sur les droits sociaux en fin de vie
  • Réseaux sociaux de santé (RSS) territoriaux : référents pour l’orientation vers les cellules locales de soutien aux aidants (listes sur ARS Île-de-France)

Questions fréquentes et conseils clés

  • Dois-je informer l’employeur du motif ? Non, seul le certificat médical est exigé et reste confidentiel.
  • Peut-on partager le congé ? Oui, la durée peut être prise en une fois, fractionnée, ou partagée entre plusieurs proches. La coordination entre accompagnants est toutefois nécessaire pour la répartition des jours.
  • L’allocation coupe-t-elle le droit aux autres aides ? Elle s’ajoute à l’AEEH (enfants handicapés) ou à la PCH, mais pas à une indemnisation maladie, ASI ou invalidité.
  • Que se passe-t-il si le proche décède en début de période ? L’indemnisation cesse au décès, mais les jours d’accompagnement effectués jusque-là restent dus.

Rappel : la demande d’AJAP n’engage pas à prendre la totalité du congé. Il est toujours possible d’y mettre fin avant ou, au contraire, de l’aménager selon la situation.

À retenir et perspectives : la juste place des aidants en fin de vie

L’AJAP reste un outil modeste, mais il traduit la reconnaissance du rôle clé des aidants dans l’accompagnement de la fin de vie. Sa visibilité est cependant encore fragile : seuls 15 % des congés de solidarité familiale font effectivement l’objet d’une demande d’allocation, selon le rapport sur les aidants en fin de vie remis à la Ministre de la Santé en 2020. Cette sous-utilisation s’explique par la méconnaissance du dispositif, la complexité des démarches perçues, et la difficulté à se projeter dans l’administratif lorsque l’urgence humaine domine.

En Île-de-France, où l’accès aux services et structures évolue selon les territoires, il est d’autant plus utile de s’appuyer sur les réseaux locaux. Les professionnels, assistants sociaux, réseaux associatifs ou maisons des solidarités offrent un relais indispensable.

Accompagner un proche dans ses derniers jours reste, pour beaucoup, un acte instinctif plutôt qu'un choix rationnel. Si l’AJAP ne remplace ni le soutien moral ni la sécurisation professionnelle totale, elle atténue au moins certains obstacles matériels – un premier pas, encore trop discret, vers la reconnaissance d’un engagement humain qui demande lui aussi à être entouré.

Ressources officielles

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