Pourquoi anticiper l’entrée en EHPAD pendant un cancer ?

L’EHPAD (Établissement d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes) constitue parfois une solution adaptée lorsque les besoins liés à la maladie dépassent ce qui peut être assuré à domicile, dans le cadre d’un cancer. En France, près de 80 000 personnes âgées atteintes d’un cancer vivent actuellement en EHPAD (source : Fondation ARC, 2023). L’entrée en établissement, souvent vécue dans l’urgence, mérite pourtant d’être préparée, tant les démarches administratives sont nombreuses et déterminantes pour la suite de la prise en charge.

L’objectif de cet article est d’apporter des repères concrets sur les étapes, les aides et les précautions à prendre, en particulier en Île-de-France, où l’accès aux places d’EHPAD et l’accompagnement administratif posent des questions spécifiques.

Avant l’admission : constituer son dossier et choisir un établissement

1. L’évaluation des besoins et le dossier médical

  • Évaluation de la dépendance : Chaque entrée en EHPAD nécessite une évaluation précise de la perte d’autonomie à l’aide de la grille AGGIR (Autonomie Gérontologie Groupes Iso-Ressources), qui va déterminer le niveau de dépendance (GIR 1 à 6).
  • Dossier médical : Un certificat médical récent, idéalement complété par l’oncologue référent ou le médecin traitant, doit préciser la situation liée au cancer, les traitements en cours (chimiothérapie, radiothérapie…), les besoins en soins spécifiques, et toute information utile pour l’accueil.

2. Dépôt d’une demande d’admission

  • Le dossier national unique d’admission en EHPAD peut être téléchargé sur service-public.fr.
  • Il doit être complété et adressé à plusieurs EHPAD pour augmenter les chances d’obtenir une place, la région francilienne étant confrontée à une forte pression sur les établissements publics et associatifs.
  • Ne pas hésiter à faire figurer les soins nécessaires liés au cancer (soins palliatifs, accompagnement psychologique, etc.) pour orienter la demande vers un établissement médicalisé adapté.

3. Anticiper les délais et la sectorisation

  • En Île-de-France, le délai moyen d’attente en EHPAD est de 12 à 18 mois en établissement public, avec des variations selon les départements (ORS Île-de-France, 2023).
  • Certains établissements privés acceptent des admissions plus rapides mais impliquent des coûts plus élevés.
  • L’admission d’urgence (“admission temporaire” ou “séjour d’hébergement temporaire”) est possible mais nécessite une coordination médicale renforcée et la mobilisation rapide de l’équipe sociale hospitalière.

Constituer le dossier administratif : étapes et pièces justificatives incontournables

1. Pièces à réunir pour toute demande d’entrée en EHPAD

  • Une copie de la pièce d’identité et du livret de famille.
  • Le dossier médical et le certificat médical du médecin référent.
  • La copie de l’attestation de sécurité sociale, mutuelle et éventuellement de la CMU-C ou CSS (selon la situation).
  • L’avis d’imposition ou de non-imposition, les justificatifs de revenus du demandeur et du conjoint (retraites, allocations, etc.).
  • La notification de l’APA (Allocation Personnalisée d’Autonomie) si elle existe, ou preuve de l’enregistrement de la demande.
  • Un justificatif de domicile antérieur.
  • Le jugement de protection juridique (tutelle, curatelle, mandat de protection future), si applicable.

2. Prendre en compte les spécificités liées au cancer

  • Lorsque des traitements sont en cours, il est essentiel d’informer l’établissement du calendrier de soins pour organiser la continuité des suivis : déplacements ponctuels pour chimio, kinésithérapie, hospitalisation à domicile (HAD)…
  • Un échange entre l’équipe médicale de l’hôpital, l’EHPAD et la famille peut être utile pour garantir une coordination optimale.

Solliciter et activer les aides financières et sociales

1. L’APA (Allocation Personnalisée d’Autonomie)

  • L’APA est versée par le département pour financer une partie du tarif “dépendance”.
  • Chaque année, en Île-de-France, ce sont plus de 100 000 bénéficiaires (source : CNSA, 2023).
  • Le montant varie en fonction du niveau de GIR et des ressources. La demande d’APA peut être faite en ligne pour la plupart des départements (Conseil régional).

2. L’aide sociale à l’hébergement (ASH)

  • Pour les budgets modestes, l’ASH peut prendre en charge tout ou partie des frais.
  • En 2023, près de 30 % des résidents franciliens d’EHPAD bénéficient d’une ASH (source : DREES, données 2023).
  • Attention : seules les EHPAD habilitées à l’aide sociale sont accessibles dans ce cadre.
  • L’instruction du dossier se fait auprès du Centre Communal d’Action Sociale (CCAS) ou de la mairie du dernier domicile.

3. Les aides complémentaires

  • L’Allocation de Solidarité aux Personnes Âgées (ASPA) pour les retraités à faibles ressources.
  • Les aides des caisses de retraite (aide-ménagère, soutien psychologique, accompagnement des aidants, etc.).
  • Des dispositifs de secours exceptionnels (associations, mutuelles, fonds d’action sociale).

4. Les aides pour les proches

  • Congé de proche aidant : permet à un membre de la famille de suspendre son activité professionnelle temporairement.
  • Allocation journalière du proche aidant (AJPA).
  • Accompagnement psychologique, groupes de parole (France Alzheimer, Ligue contre le cancer, etc.).

Questions de droits et protection de la personne

1. Mandat de protection future, curatelle, tutelle

  • Lorsque le discernement est altéré par la maladie ou l’âge, il est recommandé de vérifier la situation par rapport aux mesures de protection juridique.
  • Le mandat de protection future peut être envisagé pour anticiper la désignation d’un tiers de confiance.
  • En cas de tutelle ou curatelle, le juge des tutelles doit être informé de l’entrée en institution.

2. Droit à l’information, consentement et directives anticipées

  • Le patient doit pouvoir exprimer ses volontés sur la poursuite des traitements, le niveau de soins souhaité et la personne de confiance à prévenir.
  • Les directives anticipées peuvent être rédigées ou actualisées avec l’aide d’un professionnel de santé ou d’un assistant social.

L’accompagnement social et psychologique : ressources et réseaux en Île-de-France

1. Le rôle de l’assistant de service social

  • L’accompagnement administratif lors de l’entrée en EHPAD est une mission centrale de l’assistant social hospitalier : il aide à compléter les dossiers, orienter vers les dispositifs adaptés, intervenir en cas de difficultés d’accès au droit.
  • La plate-forme d’accompagnement et de répit pour les aidants, présente dans chaque département d’Île-de-France, offre du soutien, de l’information et des ateliers dédiés.

2. Les associations spécialisées

  • Ligue contre le cancer (Comités départementaux d’Île-de-France) : orientation, écoute, accompagnement des démarches.
  • France Alzheimer Paris, Fondation ARC, Vivre Avec le Cancer : dispositifs de soutien pour les malades et leur famille, conseils juridiques, ateliers d’accompagnement à la transition en EHPAD.
  • Pour trouver une association active près de chez soi : le site solidarites-sante.gouv.fr ou la plateforme pour-les-personnes-agees.gouv.fr.

3. Les nouvelles pratiques d’accueil en EHPAD

  • De nombreux EHPAD d’Île-de-France proposent aujourd’hui des dispositifs d’accueil spécifique pour personnes atteintes de cancer : unités de soins palliatifs, espaces privatifs pour les familles, équipes mobiles de soins de support.
  • Certains établissements travaillent main dans la main avec les réseaux de cancérologie (exemple : Réseau ONCORIF, source : oncorif.org).

Veiller à la continuité des droits et à la qualité du projet d’accueil

  • Mettre à jour l’ensemble des dossiers (carte Vitale, mutuelle, prises en charge ALD, transport pour rendez-vous en cancérologie).
  • Vérifier que le projet d’accompagnement personnalisé (PAP), obligatoire en EHPAD, prend en compte la dimension de la maladie cancéreuse et respecte les choix du patient.
  • Demander un accompagnement à la transition (journée d’accueil, visite “test” en famille, réunion de coordination).
  • Penser à actualiser les contacts d’urgence et à informer les réseaux de soins ville-hôpital.

Vers une meilleure anticipation : repères, délais et vigilance

Anticiper l’entrée en EHPAD pendant un cancer demande de réunir de nombreux documents, de mobiliser des aides variées, et de s’appuyer sur les bons réseaux. Ce parcours, souvent complexe, est aussi l’occasion d’affirmer des choix, de préserver des droits, et de s’entourer d’un accompagnement solide. En Île-de-France, la coordination entre hôpital, EHPAD, associations et professionnels sociaux prend tout son sens pour aborder cette étape de manière la plus apaisée possible.

Pour aller plus loin : consulter le guide pratique du Collectif France Assos Santé, le site pour-les-personnes-agees.gouv.fr, ou solliciter un service social hospitalier dès l’annonce de la nécessité d’un hébergement.

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