Repères : la place de la nutrition dans le parcours de soins oncologique

Dans la lutte contre le cancer, l’impact direct de la nutrition sur le bien-être et l’efficacité des traitements est souvent sous-estimé. Pourtant, selon l’Institut National du Cancer (INCa), près de 40 % des patients traités pour un cancer développent des troubles nutritionnels significatifs : perte de poids rapide, fonte musculaire, carences, dénutrition sévère. Certains traitements, comme la chimiothérapie, la radiothérapie ou l’immunothérapie, modifient le goût, réduisent l’appétit, provoquent des nausées, ou compliquent l’alimentation à cause de douleurs buccales ou digestives (source INCa).

De multiples études ont montré que ces difficultés, si elles sont mal accompagnées, peuvent favoriser des complications, diminuer la tolérance aux traitements et, dans certains cas, retarder les soins. Or, la dénutrition affecte jusqu’à un patient sur deux lors de son parcours, et elle est associée à une augmentation du risque de complications médicales, voire à un allongement de la durée d’hospitalisation (INSERM, synthèse 2024).

Comprendre les risques : la dénutrition, un enjeu majeur mais évitable

  • La dénutrition n’est pas qu’une question de « perte de poids » passagère : il s’agit d’une altération profonde de l’état général pouvant impacter l’efficacité des traitements et la récupération du patient.
  • Elle augmente le risque d’infections : un patient fragilisé par la dénutrition est plus exposé aux infections nosocomiales et aux complications postopératoires (HAS).
  • Impact sur la qualité de vie : fatigue accrue, diminution de l’autonomie, isolement social, baisse du moral.
  • Le risque n’est pas réservé à certains cancers : les cancers digestifs exposent particulièrement à la dénutrition (jusqu’à 60 % des cas pour le cancer du pancréas, INCa 2022), mais elle peut toucher tous les types de cancers.

reconnaître et prévenir la dénutrition n’est pas seulement une question de quantité de nourriture, mais aussi de qualité, de diversité et d’adaptabilité de l’alimentation.

L’accompagnement nutritionnel : une intervention précoce et sur-mesure

Lorsqu’un accompagnement nutritionnel est mis en place dès le diagnostic ou le début des traitements, il est possible de prévenir une grande partie des complications liées à la dénutrition. L’intervention d’une équipe nutritionnelle (diététicien.nes, médecins nutritionnistes, infirmiers spécialisés) permet une adaptation des apports, tenant compte des goûts, des souhaits et des capacités du patient.

  • Soutien du système immunitaire : des apports adaptés aident à mieux tolérer les traitements et à limiter la sévérité des infections.
  • Maintien de la masse musculaire : essentiel pour conserver de la force et limiter la dépendance fonctionnelle.
  • Aide à la cicatrisation : chez les personnes opérées, la nutrition participe à la réparation des tissus.
  • Amélioration de la qualité de vie : des repas adaptés permettent de préserver le plaisir de manger malgré la maladie.

En Île-de-France, plusieurs structures proposent cet accompagnement : Unités de diététique hospitalière, réseaux ville-hôpital, dispositifs d’annonce intégrant l’évaluation nutritionnelle dès la première consultation.

Quelques chiffres clés :

  • Selon la Société Française de Nutrition Clinique et Métabolisme (SFNCM), une prise en charge bien menée réduit de 25 % les complications postopératoires.
  • Les patients bénéficiaires d’un accompagnement diététique ont, en moyenne, 30 % de jours d’hospitalisation en moins (SFNEP, chiffres 2023).
  • Dans 6 pays européens, dont la France, une étude de 2021 a montré que seuls 30 % des patients reçoivent systématiquement l’évaluation nutritionnelle dont ils auraient besoin (ESPEN – European Society for Clinical Nutrition and Metabolism).

L’accompagnement nutritionnel : un appui pour le moral, un levier pour toute la famille

Le cancer n’affecte pas que le corps. L’alimentation porte aussi une dimension sociale, familiale, voire identitaire, qui est souvent bousculée par la maladie. Maintenir, ou retrouver, le plaisir de manger reste un pilier du soutien quotidien.

  • Ateliers cuisine adaptés : de nombreuses associations franciliennes, comme l’Espace Rencontres Nutrition de Gustave Roussy ou l’association Cook & Cancer, proposent des ateliers pour patients et proches, axés sur des recettes faciles et adaptées.
  • Partage d’astuces et de conseils : comment composer un petit-déjeuner tolérable ? Que faire en cas de perte d’appétit ou de modification du goût ? Ce sont des questions fréquentes abordées dans les groupes de parole et ateliers de nutrition associatifs.
  • Pouvoir échanger avec d’autres patients : l’accompagnement nutritionnel offre un espace pour parler de ses difficultés alimentaires sans jugement.

L’ensemble de ces démarches vise à permettre à chacun de rester acteur de sa vie quotidienne, même dans un contexte bouleversé. L’accompagnement est aussi un levier pour limiter la culpabilité des proches, souvent démunis face à la souffrance ou au refus de manger.

Quelles ressources mobiliser en Île-de-France ?

Il existe une véritable offre de structures en Île-de-France spécialisées dans l’accompagnement nutritionnel des personnes touchées par le cancer. Plusieurs types de ressources peuvent être mobilisées selon la situation.

  • Les équipes de nutrition hospitalières : dans la quasi-totalité des Centres de Lutte Contre le Cancer (IGR, Institut Curie, Hôpital Saint-Louis, etc.), un diététicien intervient dans le suivi du patient et travaille en lien étroit avec l’équipe médicale.
  • Les dispositifs de ville : certains réseaux, comme le Réseau Onco-Île-de-France et les Plateformes d’Accompagnement et de Répit, peuvent orienter vers des consultations diététiques de proximité.
  • Les associations de patients : La Ligue Contre le Cancer, RoseUp, ou encore l’association Cancer et Nutrition offrent des permanences, ateliers collectifs, et envois de brochures adaptées.
  • Les plateformes en ligne : des ressources fiables et validées existent pour s’informer et trouver des recettes adaptées (Nutrition Cancer, INCa).

Quand consulter ?

Il est conseillé de demander une évaluation nutritionnelle dès le diagnostic ou l’annonce des premiers traitements, mais aussi dans les situations suivantes :

  • Perte de poids non volontaire (plus de 5 % du poids initial en un mois).
  • Fatigue anormale, même en dehors des traitements.
  • Difficultés à mastiquer ou à avaler.
  • Modification persistante du goût ou de l’odorat.

Dans tous les cas, même un simple besoin de conseils peut motiver la prise de contact pour bénéficier de recommandations personnalisées.

Idées reçues : 5 fausses croyances autour de la nutrition et du cancer

  1. « Bien manger suffit pour guérir » : l’alimentation soutient le corps, mais ne remplace en rien les traitements médicaux.
  2. « Si je perds un peu de poids, c’est positif » : chez le patient atteint de cancer, la perte de poids involontaire doit toujours alerter, même chez une personne en surpoids au départ.
  3. « Tous les compléments alimentaires sont bénéfiques » : certains peuvent interférer avec les traitements. Rien ne remplace l’avis d’un professionnel.
  4. « Il faut se priver de tout » : beaucoup de régimes restrictifs n’ont pas démontré d’efficacité et peuvent au contraire êtres délétères. La priorité est d’apporter l’énergie et le plaisir nécessaires.
  5. « Un patient bien nourri n’aura pas d’effets secondaires » : la nutrition aide à les atténuer, mais chaque organisme réagit différemment.

Aller plus loin en Île-de-France : infos, formations, groupes et accompagnements

  • Le Groupe de Réflexion sur l’Obésité et le Surpoids (G.R.O.S.) propose des sessions d’éducation thérapeutique dédiées à l’après cancer et à l’accompagnement du poids : gros.org.
  • L’Institut National du Cancer fournit un guide pratique et une carte interactive des ressources régionales en matière de nutrition : e-cancer.fr.
  • Les MJC et centres sociaux dans plusieurs villes d’Île-de-France accueillent régulièrement des ateliers de cuisine, gratuits ou à faible coût, spécifiquement pensés pour les patients atteints de cancer.

Les besoins nutritionnels ne s’arrêtent pas après la fin des traitements. Le suivi doit s’inscrire dans la durée, pour prévenir les effets à long terme et accompagner la reprise d’une vie la plus normale possible : récupération de la masse musculaire, prévention des récidives, maintien de la vitalité psychologique et physique.

Enfin, l’accompagnement nutritionnel ne se substitue jamais à un avis médical. Il s’inscrit en complément de la prise en charge globale, en concertation avec le médecin référent. Proches, patients et soignants gagnent à envisager la nutrition non comme une question secondaire, mais comme un pilier du parcours.

Des ressources locales fiables existent ; elles sont là pour permettre à chacune et chacun de trouver, à son rythme, les clés d’une alimentation protectrice et adaptée dans l’épreuve du cancer.

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