Pourquoi la musicothérapie s’invite dans les parcours de soins du cancer

La prise en charge du cancer ne se limite plus à la seule dimension médicale. Depuis plus de dix ans, les “soins de support”— tous ces accompagnements proposés aux patients parallèlement aux traitements comme la douleur, la fatigue, le moral ou la réadaptation — ont pris une place essentielle dans les services d’oncologie. La musicothérapie, souvent perçue comme un “plus” secondaire, est aujourd’hui intégrée dans de nombreux établissements, notamment en Île-de-France.

Selon l’Institut National du Cancer, 90% des patients traités souhaitent accéder à des soins de support, qui agissent à la fois sur leur qualité de vie et sur la tolérance des traitements (source : Panorama des soins de support INCa 2023). Parmi eux, la musicothérapie se démarque par sa capacité à s’adresser à l’émotion, à la douleur et à la relation humaine autrement que par les mots.

Musicothérapie : de quoi parle-t-on exactement ?

La musicothérapie est une démarche de soin utilisant le son, la musique, le rythme ou encore la voix dans un cadre structuré, sous la conduite d’un musicothérapeute diplômé. Elle ne nécessite aucune compétence préalable en musique, ni pour le patient, ni pour ses proches.

On distingue généralement deux approches principales :

  • La musicothérapie réceptive : le patient écoute une sélection musicale adaptée à ses besoins, parfois en petit groupe, parfois en individuel.
  • La musicothérapie active : le patient participe, à travers la pratique d’un instrument (percussions simples, petits instruments), le chant, ou même le mouvement en rythme.

Son objectif : atténuer anxiété et douleur, mais aussi favoriser l’expression, améliorer le bien-être et soutenir le lien avec l’entourage soignant et familial.

Des effets prouvés sur la qualité de vie : l’apport spécifique en cancérologie

Plusieurs études internationales confirment les effets bénéfiques de la musicothérapie en cancérologie. Le rapport de la Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs (SFAP, 2020) mais aussi la revue Cochrane (2016) mettent en avant des résultats concrets :

  • Réduction notée de 30 à 45% de la perception de la douleur lors de séances musicales en services d’oncologie adulte (Cochrane, 2016).
  • Diminution de la sensation d’anxiété d’environ 25 à 35% selon les séries (SFAP, 2020).
  • Amélioration rapportée de la qualité du sommeil chez près d’un tiers des patients lors d’ateliers réguliers.
  • Effet positif sur la dépression légère à modérée, notamment chez les adolescents et jeunes adultes touchés par un cancer (Rapport Inserm, 2019).

La musicothérapie ne se substitue jamais aux traitements médicaux ou aux antidouleurs. Son action complémentaire s’ancre dans l’interdisciplinarité des soins de support, aux côtés de la psychologie, la sophrologie, l’activité physique adaptée et l’art-thérapie.

En pratique : comment se déroulent les séances en milieu hospitalier ?

En Île-de-France, une vingtaine d’établissements hospitaliers et structures affiliées (comme les Espaces Rencontres Information – Ligue contre le cancer ou associations “soins de support”) proposent régulièrement des ateliers de musicothérapie.

Une séance, collectivement ou en individuel, suit la plupart du temps les étapes suivantes :

  1. Un temps d’accueil, d’écoute et de présentation : situer les attentes et l’état du patient.
  2. Une phase musicale proprement dite, choisie avec ou par le patient (écoute, création sonore, petit jeu musical sans contrainte…)
  3. Un moment d’expression ou d’échange libre, permettant de poser le ressenti et, le cas échéant, de revenir sur certaines émotions vécues.

Le musicothérapeute travaille en lien étroit avec l’équipe médicale et les autres intervenants (psychologues, soignants, bénévoles associatifs). Il s’assure de l’adaptation à chaque situation : certaines personnes sont très fatiguées ou douloureuses, d’autres traversent des moments d’angoisse ou de grandes émotions.

Le cadre est systématiquement sécurisé : aucune posture d’évaluation, pas de performance attendue, confidentialité totale.

À qui s’adresse la musicothérapie ?

La musicothérapie est adaptée à tous les âges. On la retrouve notamment :

  • Chez l’adulte, pour améliorer la gestion de la douleur, de la fatigue, le moral ou la capacité à s’exprimer, surtout après l’annonce du diagnostic.
  • Chez l’enfant et l’adolescent en cancéropédiatrie, où les jeux musicaux favorisent l’expression et la réadaptation, brisant parfois l’isolement social ou scolaire.
  • Auprès des personnes âgées atteintes de cancers chroniques, la musique soutenant la mémoire et la relation lorsque la parole fait défaut

La présence de proches, parfois invités à participer, permet de restaurer un pont émotionnel durant des périodes de vulnérabilité.

Zoom sur les initiatives existantes en Île-de-France

La région francilienne, riche d’un tissu associatif dynamique, s’appuie sur plusieurs dispositifs en musicothérapie :

  • Hôpitaux universitaires de Paris (AP-HP) : St-Louis, Necker, Institut Curie, etc. proposent régulièrement des séances collectives ou en chambre, grâce à des partenariats avec des associations spécialisées comme Musique et Santé.
  • Ligue contre le cancer (comités départementaux 75, 92, 93, 94…) : ateliers récurrents pour adultes et enfants dans leurs Espaces Ligue, sur inscription.
  • Maison des Patients (Villejuif, Bobigny, Boulogne…) : structures d’accueil et relais d’information pour s’inscrire à des ateliers, au sein ou en dehors du parcours hospitalier.
  • Associations indépendantes : Musique et Santé, Jeunes Solidarité Cancer, Les P'tits Loups Bleus (avec une offre spécifique pour la cancéropédiatrie)…

En 2022, on recensait plus de 1800 séances animées par des musicothérapeutes en Île-de-France, tous publics confondus (source : Région Île-de-France & Observatoire des Soins de Support, 2023).

Questions fréquentes et points de repère concrets

  • Combien coûte une séance ? Dans le cadre hospitalier ou associatif, la prise en charge est très souvent gratuite, intégrée dans le parcours de soins ou soutenue par des dons. En libéral, compter de 30 à 60 € la séance, variable selon le professionnel.
  • Faut-il s’inscrire ou être orienté par un professionnel ? Oui, la plupart du temps. Les ateliers sont accessibles sur recommandation médicale ou via la psychologue/assistante sociale du service.
  • Tout le monde peut-il participer ? Oui, la musicothérapie ne présente pas de contre-indication, sauf rares cas spécifiques (troubles auditifs sévères, phobie du bruit, etc.).
  • La musicothérapie remplace-t-elle d’autres suivis (psychologie, kiné, etc.) ? Non, elle vient en complément et travaille en synergie avec l’ensemble du parcours de soins de support.

Rapprocher l’humain des soins : pourquoi la musicothérapie s’impose parmi les soins de support

Bien plus qu’une parenthèse agréable, la musicothérapie répond à des besoins concrets dans la lutte contre le cancer : soulager, offrir un espace d’expression, retisser du lien. Elle fait partie de ces outils adaptables, non-invasifs, à l’épreuve du quotidien. Si son accès reste parfois inégal selon les établissements, les initiatives franciliennes démontrent qu’il est possible de tisser un réseau solide d’accompagnement.

Le développement de la musicothérapie en cancérologie est le fruit d’une alliance entre soignants, patients, familles et associations. Chacun a un rôle à jouer pour sensibiliser, faire connaître les dispositifs existants, et rappeler que les soins de support ne sont ni accessoires, ni anecdotiques. Pour nombre de patients, ils constituent une bouée essentielle, et la musique fait partie de ces langages universels qui aident à traverser le combat, autrement.

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